• Je me réveille peu après midi. Mon lit est ensanglanté. Je me rappelle avoir pris cinq somnifères avant de me coucher pour retravailler mes bras au rasoir. Je me suis endormi avec la sensation de mourir.<o:p />

    <o:p> </o:p>

    Nawel m'appelle au téléphone. Nawel est une expatriée algérienne souffrant d'un isolement du a son incapacité à parler la langue suédoise et d'un gouffre affectif du à son obésité. Nawel me dit qu'elle est stressée par le bac qui approche. Je lui dis que la vie est composée de hauts comme de bas, et qu'il suffit parfois d'être avec la bonne personne pour percevoir les choses d'un autre angle. Aussitôt elle me propose un rendez-vous. Je médite un instant sur la relativité du bonheur puis accepte de la rejoindre chez elle une heure plus tard. Je prends le métro vers le centre-ville et entre à H&M. J'achète un jean et un t-shirt, un slip blanc et des chaussettes. Comme je ne prononce pas un mot à la caisse le vendeur croit que je suis un étranger et me parle en anglais. Je lui tends ma carte Visa et compose mon code. Dans les secondes qui suivent une communication cryptée est établie avec le centre de contrôle Visa à Miami en Floride pour vérifier l'existence de ma carte et la validité du code, le centre consulte aussitôt les serveurs de ma banque, Nordea, situés à Motala en Suède, qui vérifient si une somme supérieure ou égale au montant de l'achat est disponible sur mon compte en banque. Le vendeur met la facture dans le sac en plastique et me remercie. J'entre dans des toilettes publiques et m'habille avec mes nouveaux vêtements. Je me lave les mains. Dans un coin un SDF parle tout seul, affirme qu'à cause de la crise bientôt toute la Suède se retrouvera dans la rue comme lui.<o:p />

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    J'arrive dans le quartier résidentiel de Bromma. Sur un mur la une du journal Expressen interroge : l'Europe est-elle la cause de tous nos problèmes ? J'entre dans la villa qu'habite Nawel et ses parents qui, m'a-t-elle promis seront absents. Nawel tombe en pleurs dans mes bras. Elle n'aurait jamais cru que la vie pouvait être aussi difficile me dit-elle. Elle a menacé son père de se suicider s'il n'acceptait pas ses choix de vie. Elle affirme qu'à dix-huit ans une jeune fille a le droit de choisir son avenir. Je colle un doigt sur ses lèvres et l'entraîne sur son lit. Je la déshabille. Sa peau grasse forme des plis, ses seins sont gonflés. J'éteins la lumière puis revient dans la pénombre sucer ses tétons. Ma main touche son triangle, j'enfonce un doigt dans son vagin mouillé, elle étouffe un gémissement. Je descends à genoux, caresse ses fesses et donne des coups de langue sur son clitoris. Ma langue s'enfonce en elle et elle pose ses mains sur ma tête en poussant des cris. Je me relève, elle essaie de m'embrasser, je détourne mon visage. Nawel me suce, ses lèvres entourent la base de mon pénis, sa langue passe et repasse sur mon gland. Je débande. J'explique à Nawel que les antidépresseurs que je prends coupent ma libido, que je n'arriverai pas à l'orgasme avec elle. Elle lève les yeux sur moi puis continue de me sucer un instant. Nous sommes assis l'un à côté de l'autre sans parler. Soudain je lui dis que je dois rendre des cassettes vidéo empruntées à un ami puis je m'habille rapidement. Passé un moment d'incrédulité, Nawel me remercie et m'accompagne jusqu'à la porte.<o:p />

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    Je rentre. J'écrase un Zoloft et deux Xanax dans la confiture et fais passer le tout avec de la Tequila. Eurovision passe à la télé, un présentateur parle du renouveau de la musique populaire en ce début de siècle. L'AFP lance la nouvelle d'une tentative de suicide en haut d'un pont dans la région parisienne, les automobilistes immobilisés ont crié au suicidaire de sauter pour qu'ils puissent rentrer plus vite chez eux.<o:p />


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  • Insomnie. Réveil à 20 heures en sueur. Je prends un Xanax et m'habille pour sortir. A la radio un rappeur chante qu'il veut être millionnaire en euros avant l'âge de vingt-cinq ans. Cela fait une semaine que chaque jour je réserve un lave-linge dans mon immeuble sans l'utiliser. <o:p />

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    J'arrive en ville. Les gens portent les sacs en plastique verts du magasin d'état, seul habilité à vendre de l'alcool. L'alcool faillit causer la perte du peuple suédois au siècle dernier. En 1746 Eva Gardie, membre de l'académie royale des sciences invente un procédé de fabrication d'eau de vie à partir des pommes de terres. Les suédois, qui à cette époque manquaient de divertissements, adoptèrent le procédé avec frénésie. En 1829 chaque suédois, y compris les femmes et les enfants, consommait en moyenne 50 litres d'alcool pur par an. Les bureaux de l'administration fermaient un par un, les champs étaient délaissés, l'industrialisation freinée. Pour la première fois dans l'histoire, un peuple entier fuyait la réalité pour se réfugier dans un paradis artificiel. Mais comme souvent dans ces cas, le salut vint de l'état. Allié à l'église, celui-ci ouvrit un peu partout des magasins qui seraient désormais les seuls autorisés à vendre de l'alcool. La vente était limitée à deux litres par personne et semaine, et les femmes n'avaient pas le droit d'entrer dans les magasins. La suppression de cette injustice fut d'ailleurs une des revendications les plus importantes des mouvements féministes dans les années 1960. Si le rationnement a été aboli, le concept a survécu et chaque vendredi on peut voir les suédois affluer après leur travail avant la fermeture des magasins à 17 heures.<o:p />

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    Les français ont une consommation sociale de l'alcool, c'est-à-dire qu'ils utilisent l'alcool comme un lubrifiant pour socialiser, on « prend un verre entre amis », invite ses voisins à un apéritif ou boit un pot pour l'anniversaire d'un membre de la famille. Ce comportement n'est pas observé en Suède, où le seul but de la consommation d'alcool est d'inhiber les défenses des hommes pour leur permettre d'approcher le sexe opposé lors de soirées ou de sorties en boîte de nuit. C'est ce qu'on peut appeler une consommation sexuelle de l'alcool, qui se caractérise par une absorption plus importante et plus concentrée temporellement.<o:p />

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    A Sergels Torg un toxicomane échange quelques billets contre un sachet de poudre marron. Une femme habillée en blanc crie dans un mégaphone que l'apocalypse est proche avant d'être embarquée par les policiers. Je prends le métro pour rentrer chez moi. Je me connecte sur un site de poésie et relève des sonnets d'auteurs peu connus. Je me connecte sur un autre site et poste les sonnets sur le forum, sous ma signature. J'attends deux heures puis reviens sur le forum. Les messages pullulent. Les habitués me félicitent et trouvent que j'ai du talent pour un novice, mon style est original mais les images, regrettent-ils, sont un peu fades et il y a des progrès à faire au niveau des rimes. Je les remercie et promets de tenir acte de leurs conseils pour mes prochains essais. Je laisse un Valium fondre sous ma langue. A la télévision le présentateur explique que ce matin des jeunes issus des banlieues nord de la ville se sont opposés aux forces de l'ordre dans les rues du centre de Stockholm, on dénombrerait plusieurs blessés dans les deux camps.<o:p />


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  • Quelques raisons de ne pas aimer les suicidaires :<o:p />
    - ils alourdissent le service des urgences<o:p />
    - ils encombrent la circulation lorsqu'ils choisissent de mettre fin à leurs vies sur la voie publique<o:p />
    - les honnêtes gens doivent payer plus d'impôts pour ces personnes qui n'ont pas de travail<o:p />
    - avaler 40 médicaments à la fois forcément ça creuse le trou de la sécu<o:p />

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    Les suicidaires constituent le groupe martyr dans la société actuelle. Ce sont des parasites, résistants à l'impératif de bonne humeur ambiante, rabats joie exhibitionnistes à qui il manque cette faculté qui permet de percevoir la vie comme étant belle. Au mieux ces gens-là font pitié, au pire on les insulte, on les pousse au suicide. J'espère donc que ce témoignage constituera la première pierre d'un édifice construit pour prendre la défense de ce groupe victime d'un racisme caché et, hélas, unanimement accepté.<o:p />

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    Je prends le métro. À T-Centralen, le Chatelet de Stockholm, nœud du réseau urbain, un tapis roulant est en panne. Pauvres suédois, ils rentreront vingt secondes plus tard à la maison. Le trajet le plus court entre deux points est la droite qui relie ces deux points, à moins qu'un tapis roulant ne fausse la partie. À Solna des supporters fêtent une victoire quelconque, sur les murs il y a des publicités pour des concerts déjà passés.<o:p />

    <o:p> </o:p>

    Cela fait maintenant deux jours que je n'ai pas tenté de mettre fin à mes jours. Statistiquement je vais mieux. En suédois suicide se dit självmord, le meurtre de soi.<o:p />

    <o:p> </o:p>

    Je rentre chez moi. Je laisse quelques commentaires sur mon propre blog et me connecte sur Caramail. Je tente sans succès de lancer un débat sur le thème « peut-on encore chatter après Auschwitz ? ». Je référence mon blog sous la rubrique Economie/Business de blogg.org. Puisque nous sommes dans une société de consommation tous les blogs devraient être référencés sous cette unique rubrique. Je médite un instant sur la disparition de la liberté de l'écrivain puis me connecte sur un site d'aide à l'enfance pour consulter les statistiques du suicide chez les jeunes. Je remarque avec dépit que seuls 2% des tentatives de suicide aboutissent à la mort de l'individu. Les filles choisissent le plus souvent la scarification ou l'overdose de médicaments, les garçons choisissent des méthodes plus violentes comme le saut d'un point en altitude ou les armes à feu. Quelque part dans le monde des islamistes ont posé une bombe. Des images de torture passent en boucle sur CNN.<o:p />


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  • <o:p>Réveil à 8 heures. Je suis encore dans mon lit lorsque j'entends quelqu'un siffler dans le couloir. C'est mon voisin, ce type est dans la même école que moi, comment fait-il pour être de bonne humeur à 8 heures ? Je remarque que j'ai de plus en plus de mal à supporter les gens heureux, les plaisanteries et les chansons gaies.</o:p>

    Une amie me téléphone pour me dire qu'elle n'a plus rien à me dire.<o:p />

    Je pars chez ma psychologue qui me demande comment je vais. Je lui dis que ça va. Elle réfléchit pendant 30 secondes à ce que je viens de dire en hochant la tête puis elle dessine un axe au feutre sur un tableau, et me demande de marquer les situations où je suis pris d'une incontrôlable angoisse (niveau 0) et celles où je vais parfaitement bien (niveau 100).<o:p />

    J'essaie sincèrement d'entrer dans son jeu mais au bout de quelques minutes je lui demande d'arrêter et elle vient s'asseoir en face de moi avec un regard compatissant et me dit que si je veux arrêter c'est que je ne vais pas bien. Enthousiasmé par ce consensus, je passe le reste de l'heure à lui conter mes journées.<o:p />

    Je suis tout de même un peu abattu en rentant, et entreprend d'écrire un pamphlet contre la société de consommation, puis une lettre d'adieu que finalement je jette également à la poubelle.<o:p />

    Je prends un Xanax et me connecte sur des blogs de personnes suicidées. Les familles des morts ont paraît-il essayé de faire fermer les sites sans succès. Je remarque que les écrits ressemblent beaucoup aux miens.<o:p />

    Je découvre qu'il y a toute une culture du suicide. On pourrait diagnostiquer les mouvements gothiques et metal comme des individus. On y découvrirait une dépression, manque de motivation, rejet de l'environnement immédiat, angoisses existentielles, fascination de la mort et finalement glorification du suicide. Y a-t-il des chercheurs qui ont écrit des thèses sur ces sujets ? Quoiqu'il en soit les blogs de suicidaires pullulent sur Internet, et je songe donc naturellement à me différencier en adoptant une écriture plus hard pour me positionner sur une nouvelle niche du marché. Je remarque avec dépit que les suicidaires sont des personnes égoïstes, intolérantes et qui ont une facilité à rejeter tous leurs problèmes sur une instance mystérieuse, qui peut prendre la forme de la société, de l'état, des parents ou parfois des Etats-Unis d'Amerique.<o:p />

    Complètement confus j'avale encore deux Xanax puis je me mets à rédiger un mail à la rédaction d'Aftonbladet, un tabloïd populiste, en dénonçant la facilité avec laquelle on peut commander des médicaments sur Internet et en me disant choqué par la lenteur de la psychiatrie suédoise.<o:p />

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  • Réveil à 16 heures. Je ne suis pas mort. J'ai seulement des difficultés à respirer.<o:p />

    La dizaine de somnifères que j'ai avalés hier avec quelques litres de bière m'ont fait dormir
    pendant dix-huit heures. Ce coup d'oeil sur le réveil me ravit, j'ai été épargné
    de vivre plusieurs heures dans un état éveillé, et me dis que j'arriverais
    peut-être à mettre à profit le peu d'heures qu'il me reste aujourd'hui. Je
    descends dans le métro après une rapide douche. J'essaie de me concentrer sur
    mon livre, Last exit to Brooklyn de Hubert Selby Jr, pour ne pas avoir à me
    sentir observé, je lève les yeux de temps en temps pour ne pas faire de faux
    pas, puis replonge dans le livre. Selby parle du métro de New York, putes, macques
    et gangs, bagarres, dope et sexe. Je croise un homme en congé paternité ramenant
    ses enfants de l'école.<o:p />

    J'entre dans la bibliothèque, je m'assois à une table à côté d'une étudiante en échange portant un t-shirt « Soldado de Jesus ». J'ouvre mon livre de statistiques appliquées à l'économie, parviens à lire un paragraphe avant d'être rattrapé par mes pensées. A quoi cela me mène-t-il au fond ? Devenir un directeur des achats d'une multinationale pour la région de Stockholm, rouler en Volvo et habiter une villa ? Ou au mieux devenir trader pour une banque d'investissement à la City de Londres ou à Wall Street, voyager en classe affaire et travailler 90 heures par semaine ? Est-ce que c'est être dépressif que de ne pas trouver ces perspectives réjouissantes ?<o:p />

    Je ferme mon livre, passe dans une supérette acheter un paquet de chips avant de rentrer
    chez moi. Les Tindersticks chantent « Sometimes It hurts », je suis couché sur mon lit et me demande si je réussirais jamais à m'en relever. Je peux bien mourir maintenant, après avoir écouté cette chanson, qu'est-ce qu'il me reste ? Je me demande qui trouverait mon cadavre, la porte est ouverte, il n'y aura pas besoin de passer par la police, qui se préoccupera de moi ? La réponse est terrifiante : personne. Personne à part mes parents, mais ils habitent loin, cela prendra au moins une semaine avant qu'ils s'inquiètent et envoient quelqu'un. A moins que mes voisins ne soient alertés par l'odeur. Un corps en décomposition à température ambiante dégage-t-il une forte odeur, susceptible de déranger quelqu'un au-delà d'une porte ? Si oui, au bout de combien de jours ?<o:p />

    Après un petit somme, je m'assois devant l'ordinateur, je croque quelques aspirines en buvant de la bière à 3,5%, l'Etat paternaliste suédois interdisant aux moins de 20 ans d'acheter de l'alcool à plus de 3,5%. Je bois deux litres sans arriver à me sentir ivre.<o:p />

    Je consulte les doses mortelles pour les médicaments courants, liste publiée par le centre anti-poison, qui dans un élan de générosité a l'air de vouloir aider les gens à se suicider. Pour l'aspirine il faut en prendre 200. Triste vie. J'accroche une ceinture au-dessus de la porte, l'étudiant hollandais qui habite dans la chambre d'à côté me jette un regard inquiet. Je souris et referme la porte. Je prends un rasoir jetable et commence à me faire des marques sur le bras gauche, de toutes petites marques, cela ne fait pas mal, mais le résultat est assez spectaculaire.

    Je me branche sur Caramail et raconte à qui veut l'entendre que je vais me suicider, la plupart s'en foutent, certains viennent me dire d'arrêter ça, que je suis stupide de vouloir me tuer. Je leur demande de venir assister à mon suicide en direct sur ma webcam, quelques uns acceptent. Je commence par leur montrer mes marques rouges, je passe le rasoir sur le bras en faisant semblant de me tordre de douleur. Mais ce n'est pas assez spectaculaire, je n'ai droit qu'à des « arrête ça » ou « fais pas le con », tout ça n'est pas très convaincant. Je monte sur la chaise et passe la ceinture autour du cou, les gens commencent à s'animer un peu mais la plupart croient encore que je bluffe. C'est alors que je fais semblant de tomber de la chaise. Les fenêtres se mettent à clignoter sur mon ordinateur et je souris intérieurement. En fait je suis maintenant debout, légèrement incliné, sur une chaise plus basse que j'avais disposé à côté, je fais le mort. Deux minutes après je me lève, j'accours vers l'ordinateur. Les gens me traitent de tous les noms, je leur ai vraiment fait peur. Je fais semblant d'avoir mal au cou, je dis que je souffre atrocement. Une personne me dit d'appeler les urgences. J'appelle le 112, vingt secondes après mon appel aboutit, je raccroche. J'éteins l'ordinateur et m'allonge sur mon lit. Je m'endors je ne sais trop comment. Triste vie.<o:p />


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